Tuesday, January 6, 2009
La Question Humaine
Troisième volet de la trilogie de Nicolas Klotz sur le monde actuel, La Question humaine contraste fortement avec les deux précédents. Alors que Paria se passait dans le monde des SDF, que La Blessure donnait la parole aux sans-papiers tout juste arrivés en France, La Question humaine prend place chez les riches, dans les arcanes d'une multinationale pétrochimique. Ambitieuse tant sur le plan esthétique qu'intellectuel, cette adaptation du roman du même nom de François Emmanuel propose une réflexion sur la nature du capitalisme contemporain ; et tient ses promesses, de bout en bout.
En premier lieu, parce que personne jusqu'à présent n'a restitué avec tant de justesse, de puissance et de talent l'essence paradoxale, séduisante et terriblement angoissante du milieu des golden boys. Tout tiendrait presque dans ce magnifique plan du début, qui montre une poignée de jeunes hommes, tous vêtus de noir, de dos, en train de plaisanter face à leurs pissotières respectives : élégance, jeunesse, uniformité absolue.
Une fois soulagés, ils montent dans un ascenseur, y retrouvent une de leurs collègues. Les vannes fusent, la fille n'est pas en reste. Ils sont beaux, branchés, débordants d'énergie, fous d'eux-mêmes et de leur image. A l'occasion, ils couchent ensemble, éventuellement sur leur lieu de travail. La nuit, ils laissent exploser leur énergie en dansant dans des raves, se défoncent à l'alcool, ou à autre chose...
Nicolas Klotz esthétise ses plans à l'extrême, mais cela ne nuit en rien au regard, sans fard, qu'il porte sur ses sujets. Au contraire. La géométrie au cordeau et la lumière raffinée mettent d'autant mieux en valeur ce qu'ils donnent à voir d'eux-mêmes : une certaine idée de la perfection.
Au-delà de la fascination exercée par ces corps, ce qui intéresse les auteurs (Nicolas Klotz et sa compagne et scénariste Elisabeth Perceval) a lieu en dessous. Le film suit le cheminement de Simon (Mathieu Amalric), psychologue d'entreprise, dont les certitudes vont sérieusement s'effriter lorsqu'une étrange mission le confronte à l'histoire de la Shoah.
PHRASÉOLOGIE DÉSHUMANISANTE
A la demande de l'un des directeurs de l'entreprise, Karl Rove (Jean-Pierre Kalfon, très inquiétant), Simon se lance secrètement dans une enquête sur l'état de santé mentale d'un autre dirigeant, Mathias Jüst (Michael Lonsdale), soupçonné d'avoir sombré dans une dépression. Décidé à ne pas se mouiller dans cette affaire qu'il ne juge guère reluisante, le jeune cadre se retrouve malgré lui happé dans des sables mouvants. Témoin de révélations troublantes sur le passé de Karl Rove, né dans un Lebensborn (ces centres où devaient procréer, sous le IIIe Reich, des sujets de pure race aryenne pour constituer l'élite du futur), destinataire de lettres anonymes enfermant des notes techniques sur le processus de gazage des juifs dans les camions des Einsatzgruppen (escadrons SS qui suivaient l'armée allemande pour mettre en oeuvre la "solution finale" hors des camps), Simon est pris de vertige.
A mesure qu'il perce à jour la nature perverse du pouvoir de son entreprise, une effarante proximité lui saute aux yeux, entre la langue administrative nazie et celle qu'il emploie dans son travail. "Sélection", "unités", "rendement"... Pour gazer des juifs, ou virer un alcoolique, la même phraséologie déshumanisante permet de traiter l'humain comme une simple unité de production, valide ou non.
BANDE-SON RADICALE-CHIC
L'enquête n'apporte pas de réponse, ne désigne pas de coupable ni de rapport de cause à effet. Elle ouvre plutôt un gouffre. A mesure qu'elle progresse et que Simon se dérègle mentalement (violence, folie passagère...), la couleur dominante du film tend de plus en plus vers le noir, la narration éclate de toutes parts.
Il y a l'éclatement de la vie de Simon, entre trois femmes, son travail officiel, son enquête officieuse et ses nuits électriques. Il y a aussi celui de Mathieu Amalric, à la fois acteur intégré à une fiction, acteur théâtral qui s'adresse directement à un spectateur imaginaire, et voix off. Et encore la déstructuration des plages sonores : alors que les acteurs parlent parfois sans qu'on entende leur voix, un magnifique et interminable chant de flamenco est filmé en temps réel.
Mise en scène complexe, bande-son radicale-chic (Schubert, New Order, Syd Matters...), casting élégantissime, La Question humaine est un film sophistiqué. C'est aussi un beau film, un film aimable, parce que son auteur aime ses personnages, qu'il les regarde pour ce qu'ils sont et pour ce qu'ils promettent. Tendu par une foi dans l'art et dans l'homme, comme forces de résistance à la machine, c'est un grand film politique.
Heartbeat Detector
"Music is a virus," company HR guy Simon is informed by his girlfriend early on in Nicolas Kotz's Heartbeat Detector, based on the novel by Francois Emmanuel. In case we missed the point, one of Simon's superiors later reminds him, "music doesn't tolerate hierarchy." Their warnings are entirely astute: music -- in a number of incarnations from techno to fado to violin quartets -- is the catalyst of Simon's slow disintegration.
Mathieu Amalric (The Diving Bell and the Butterfly) plays the reserved but effective company man whose story could be described as an impressionistic version of Tom Wilkinson's breakdown in Michael Clayton: burdened with one morally questionable task too many, his place in the corporate hierarchy begins to crumble and cave. Trained as a psychologist and experienced as the hatchet man who skillfully picked criteria for a large-scale "restructuring," Simon is asked by the sinister Karl Rose (Jean-Pierre Kalfon) to investigate the CEO, Mathias Jüst (Michael Londsdale), who has been acting peculiar.
Prone to crying fits and paralyzing sorrow, Jüst is likely to become a liability for the company, and cunning Simon knows just how to get close to the the grumbling, directorial boss of it all: Jüst used to play in a company string quartet, and Simon proposes to reconstitute the outfit. Simon balances his day job with weekend seminars that devolve into drunken escapades, and between the house music and the decades-old quartet recordings, Simon stumbles upon truths about the company's history that shake him profoundly.
Shot mainly in drab green and brown office spaces and the bars Simon haunts after hours, Heartbeat Detector leads down a rabbit hole of revelations that finally appear to equate multinational companies with fascism. Obsessed with anonymous letters that detail the engineering of a truck custom-build for the Holocaust, Simon becomes a stand-in for Nazis who hid behind their orders while they carried out genocide. The analogy is strained to say the least -- not even lefty documentaries like The Corporation go quite as far -- and finally distracts from what began as a clear-eyed portrait of a complex, contradictory character.
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